Hey, you ! (Thelma)

✣ ✣ ✣
Elijah pressa le pas. Il avait choisi de couper par cette longue ruelle étriquée, peu passante et que seuls les résidents empruntaient, afin d’atteindre le point de rendez-vous avant que le soleil ne disparaisse entièrement derrière les buildings. C’était à ce moment là de la journée que ses amis et lui décidaient de se retrouver le soir. Ces virées nocturnes s’étaient tout naturellement insérées dans son mode de vie, tel un rituel, le mercredi et le dimanche. En effet, c’étaient les uniques soirs de la semaine où le jeune homme n’était pas de service au restaurant.

Il bifurqua à droite, empruntant une ruelle à peine plus large que la précédente, manquant de peu de trébucher sur une bouteille de bière vide qui traînait malheureusement sur le sol, au coin de la rue. Un juron glissa entre ses dents tandis qu’il enfonça ses mains dans les poches de son jean, faisait mine de contrôler la situation. Il jeta brièvement un coup d’oeil derrière son épaule, comme pour vérifier que personne n’avait surpris la scène et il reprit sa marche d’un air plus assuré. Ce n’était sans doute pas le meilleur moment de la journée pour « visiter » le quartier. L’usine, comme on l’appelait, était un lieu de repère pour les toxs, c’est du moins l’image qu’Elijah avait de ces ruelles étroites et sombres, mais aussi de celles plus larges, où trainaient misérablement quelques vieilles affaires abandonnées ; des canapés, des chaises aux pieds rafistolés pitoyablement avec de la colle bon marché. L’odeur, elle aussi, devenait parfois insupportable, lui faisant presque oublié ce qui l’avait amené ici. Un raccourci. La sortie était proche. Ceux qui ne connaissaient pas les lieux pouvaient rapidement se perdre dans ce dédale de ruelles étroites et obscures. En soirée, les rayons du soleil ne parvenaient presque plus jusque là, dissimulés derrière les hauts immeubles délabrés.

Des rires étrangers s’élevèrent soudain derrière son dos et les battements de son cœur s’accélèrent sans qu’il ne puisse trop les contrôler. « HE, toi là bas ! » Sans s’inquiéter de savoir si la bande s’adressait à lui, il allongea le pas, enjambant promptement des bouteilles en verre et des mégots de cigarette, bifurquant une nouvelle fois à sa droite, puis à sa gauche. Elijah prit soin de respirer lentement, s’allumant une cigarette tout en tentant de garder le rythme. Je flippe pas. J’ai l’air de flipper ? Il amena sa cigarette à ses lèvres et tira un moment dessus, d’un geste le plus posé possible. Les rires n’avaient pourtant pas totalement disparu, cependant il choisit de les ignorer. « OH, l’autre devant, on te cause ! » Agacé, Elijah finit par s’arrêter brutalement, tourna les talons et revint en direction de la bande. « Ok, c’est quoi votre problème, bordel ? » Deux hommes, à peine plus âgés que lui, imposants, vinrent à sa hauteur d'un air féroce. On aurait dit deux bouledogues prêts à bondir. Elijah fléchit à peine. Il croisait les bras autour de sa poitrine, ses yeux passaient d'un gars à l'autre sans trop s'arrêter. Qu'on en finisse, ceci n'était qu'un petit contre temps. « Qu'est ce que t'as mauviette, tu veux qu'on te refasse le portrait? » Elijah planta ses yeux dans celui de son interlocuteur avant de laisser échapper un grand rire ironique. « Vous ne savez vraiment pas à qui vous avez affaire les gars... » soupira-t-il d'un air arrogant, presque ennuyé, comme s'il rencontrait ce genre de situation tous les jours. Les deux brutes s'échangèrent un regard ahuri sans vraiment comprendre. Ils hésitèrent à s'esclaffer, Elijah paraissait si sûr de lui que la scène en devenait quasiment ridicule. « Il est vraiment con où il le fait exprès? » questionna l'homme à sa droite en fronçant les sourcils. Sans attendre de réponse de son acolyte, il fit face à Elijah. Il serra la mâchoire et planta ses yeux bouffis dans ceux du jeune homme. Ce dernier prit soin d’articuler. « Tu vas faire exactement ce que je vais t’ordonner. Oublie-moi un peu et cogne plutôt sur ton crétin de pote. Tu t'arrêteras... lorsqu'il fera nuit. » Les yeux d’Elijah, menaçants, avaient viré au noir. Un sourire satisfait flâna sur ses lèvres tandis que la brute cogna une première fois son acolyte. Ce dernier resta interdit, perdu, ne comprenant pas ce qu’il lui arrivait. Avant qu’il puisse reprendre son souffle, son ami le frappa à nouveau. Elijah, quant à lui, tira sur sa cigarette et tourna le plus lentement possible les talons, prenant grand soin de faire durer la scène. Il s’en délectait déjà. Un franc sourire avait fendu son visage, tandis que les hommes se battaient désormais derrière son dos. Enfin, Elijah disparaissait dans le pénombre d’une ruelle.

Spoiler:

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❝ ▞ ♙ ♘ ▚ ❞

Thelma retint un cri perçant lorsque le chat roux qui avait filé entre ses jambes cinq minutes plus tôt renversa le couvercle en acier d'une large poubelle. Elle s'arrêta un instant, tant pour tenter de se repérer parmi les petites ruelles sombres que pour souffler un coup. Son coeur battait la chamade dans sa poitrine et la tête lui tournait un peu. Elle plissa les yeux, les oreilles tendues à l'affût d'un infime indice qui aurait pu lui indiquer la route pour rejoindre les faubourgs plus animés de la ville. D'une façon générale, elle ne s'aventurait jamais très loin en territoire inconnu, sachant pertinemment qu'elle ne devait pas faire confiance à son terrible sens de l'orientation. Ce soir, pourtant, elle avait décidé sans trop réfléchir d'utiliser un soit-disant raccourcis pour rentrer chez-elle, en passant par les ruelles qui longeaient l'usine. Ce n'était sans doute pas le choix le plus judicieux de sa journée et elle commençait maintenant à le regretter amèrement. Le coin n'était pas totalement inconnu à ses yeux. Elle s'y était rendue plusieurs fois déjà, connaissant sa réputation en ce qui concernait les fêtes de quartier. Fêtarde, elle ne l'était pas du tout. Elle avait même plutôt horreur de se mélanger au beau milieu d'un échantillon de population braillard et inconnu, qui plus est. Elle se forçait, de temps en temps, à sortir comme toute jeune femme de son âge parfaitement normale. Mais au fond elle ne l'était pas, normale. Elle avait beau sourire, elle se sentait tellement étrangère aux gens qui l'entouraient. Quelques mots et on aurait fait n'importe quoi pour elle. Ce n'était pas très correct d'asservir ainsi un ami, mais un parfait inconnu? Les mains dans les poches, elle shoota dans un vieille canette qui traînait au sol, laquelle alla se fracasser contre un mur proche dans un bruit de ferraille. Thelma ne put s'empêcher de serrer les dents alors que le bruit vint douloureusement résonner dans son crâne. Les quelques bières qu'elle s'était enfilé en début de soirée pesaient maintenant lourd et il ne lui fallait pas plus pour déclencher de sérieuses migraines. Oui, elle avait définitivement l'alcool facile pour une personne que la boisson, de sa vue à son goût, répugnait autant et qui plus est, ne tenait pas très bien l'alcool. Mais vous savez ce qu'on dit, pour savoir qu'un verre était de trop, encore fallait-il l'avoir bu. À l'heure actuelle, retrouver son chemin dans cet amas de ruelles lugubres l'importait bien plus que de compter les verres vidés quelques heures plus tôt. Elle marchait un peu au hasard depuis les dernières minutes, obéissant à un soit-existant instinct. Elle vint pourtant à douter de la fiabilité de cet instinct lorsque trois fauteuils laissés en piteux état sur le trottoir lui parurent soudainement très familier. Ne venait-elle pas à l'instant de passer devant ces meubles abandonnés ? Elle sentit son coeur s'emballer dans sa poitrine. Il n'y avait qu'elle pour se perdre en ville. Elle laissa échapper un grognement agacé, d'humeur peu clémente. Mais alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour, des éclats de voix attirèrent son attention. Bien qu'à peine audible, ils ne semblaient pas bien loin. Tendant l'oreille, elle se mit en marche d'un pas pressé vers la localisation de la clameur. Mais elle s'arrêta soudain, hésitante. Était-ce réellement prudent de se jeter ainsi vers l'inconnu ? On croisait de tout, dans le coin, en meuble comme en personne. D'un autre côté, elle se savait doté d'un avantage peu négligeable. Son pouvoir lui donnait une assurance conséquente lorsqu'il s'agissait d'affronter un simple humain. Elle laissa échapper un ricanement à cette dernière pensée. Était-ce ainsi une manière de la départager du reste de la population ? Eux humains, elle extraterrestre. Bien sûr elle n'était pas seule dans son genre. Elle avait déjà croisé la route de personnes comme elle, dotées d'un pouvoir que la plupart semblait considérer comme un vérite don. Thelma préférait ne pas se mêler à eux, sachant par expérience qu'ils n'étaient pas parmi les plus dignes de confiance. D'un pas un peu chancelant elle se dirigea finalement vers ce qui lui avait semblé être l'éclat d'une voix humaine. Elle emprunta une étroite ruelle et ce n'est qu'après s'être faufilée au travers d'un grillage troué qu'elle parvint à entendre ce qui disaient précisément les voix. « Qu'est ce que t'as mauviette, tu veux qu'on te refasse le portrait? » Elle soupira. À première vue ce n'était pas exactement le type de personne sur laquelle elle espérait tomber. Elle pris soin de se dissimuler derrière un vieux mur de briques noires, observant la scène de sa cachette. Un jeune homme qui ne semblait pas plus âgée qu'elle faisait face à deux brutes de quartier. Thelma hésita un instant à intervenir, mais elle se ravisa. On pouvait la traiter de lâche, mais jouer les héros n'avait jamais été son truc. Appeler une ambulance, à la limite, semblait plus à sa portée, au cas où les choses tournent mal. Le jeune homme venait de répondre. Elle ne put saisir le sens de ses paroles, mais il lui parut bien assuré pour un gars coincé aux mains de deux sauvages. « Il est vraiment con où il le fait exprès? » Pour Thelma c'était plutôt clair. Le pauvre type ne semblait pas doté d'une intelligence remarquable, ou peut-être ne tenait-il pas plus à la vie que ça ? Mais alors qu'elle haussait les épaules, sur le point de s'asseoir sur le rebord du muret, la voix du jeune homme lui apparut enfin intelligible. « Tu vas faire exactement ce que je vais t’ordonner. Oublie-moi un peu et cogne plutôt sur ton crétin de pote. Tu t'arrêteras... lorsqu'il fera nuit. » Sur ces mots, un des deux baraqués asséna coup sur le nez de son compagnon. Ce dernier semblait aussi ébahit que Thelma. Pour elle, cela ne faisait aucun doute. Elle connaissait ce ton autoritaire par coeur. Ses paroles résonnaient encore à son esprit alors qu'elle se demandait si les bières ne venaient-elle pas tout simplement de lui monter à la tête finalement. Elle releva la tête, la surprise toujours gravée sur son visage. Le jeune homme s'éloignait maintenant, sur le point de disparaître au coin d'une ruelle. Sans réfléchir elle s'élança à sa poursuite, d'un pas de course un peu chancelant. Elle déboula sur la ruelle, sous le regard étonné du jeune homme. Essoufflée, ses longs cheveux blonds ébouriffés, elle devait sûrement avoir l'allure d'une folle débarquée de nulle part. Oui, on trouvait de tout dans ce quartier. « C'est quoi ce bordel ? » s'exclama t-elle sans retenue à l'intention du garçon. Elle n'avait aucune intention de tourner autour du pot, broder n'avait jamais été son fort. « Qu'est-ce que tu viens juste de faire ? »

Spoiler:

Quelques secondes s’écoulaient durant lesquelles le sourire satisfait d’Elijah flottaient encore sur ses lèvres. Il ne pouvait pourtant tirer aucun mérite de cette affaire – n’ayant uniquement remporté cette victoire grâce à son don - cependant cela ne lui empêchera pas de se venter d’avoir mis deux brutes au tapis devant ses amis, lorsqu’il les retrouvera. Ces derniers s’étaient un peu lassés des péripéties du jeune homme, plus la moitié le voyait comme un menteur, certain qu’il agençait ses histoires pour en sortir en héro. Ils ne savaient pas, Elijah s’arrangeait pour que personne n’apprenne l’existence de son pouvoir. Il se plaisait à faire planer le doute sur ses facultés de persuasion, se délectant de son image d’homme charismatique qu’on lui apprêtait.
Tandis qu’il bifurqua une énième fois dans une ruelle, il tacla du bout de son pouce le filtre de sa cigarette afin de faire tomber les cendres à son extrémité. Des bruits de pas dans son dos attirèrent soudain son attention. Il tendit l’oreille, curieux et inquiet à la fois (cette personne avait-elle surprit la scène ?), soupirant machinalement lorsque une voix se joignit au bruit des pas et qu’il se rendit compte qu’on s’adressait une fois de plus à lui. Il ne tenait absolument pas à passer la nuit ici. « C'est quoi ce bordel ? » Faisant mine d’ignorer la personne, il allongea d’abord le pas avant de jeter un petit coup d’œil derrière son épaule, titillé par sa curiosité. Arquant un sourcil, il détailla la jeune femme de pied en cap sans aucune gêne, s’arrêtant sur son visage encadré par une crinière blonde qui retombait avec véhémence sur ses épaules. Un regard inquisiteur se planta dans le sien. Elijah finit par s’arrêter et pivota en direction de la jeune femme. « Qu'est-ce que tu viens juste de faire ? » Désirant plus que tout garder son secret, il se mordit la lèvre inférieure et cligna lentement des yeux afin de montrer une certaine incompréhension. « Je vous demande pardon ? » Il adoptait toujours un vocabulaire autre lorsqu’il s’adressait avec la plus grande ironie. Coinçant sa cigarette au coin de ses lèvres, il s’ébouriffa les cheveux des deux mains comme à chaque fois qu’il réfléchissait. Il songeait à la manière dont il allait se sortir de là… L’air penaud, Elijah balaya brièvement du regard les alentours comme si il cherchait une échappatoire. Rien, personne. La ruelle était déserte. Le jeune homme espérait presque silencieusement que les deux brutes resurgissent et s’en prennent à la fille pour qu’il puisse s’évader discrètement de cette situation délicate. « Ce que je viens de faire ? » répéta-t-il sottement d’un faux air pensif, comme pour gagner du temps. « ... Ah ! Tu parles du moment où j’ai glissé sur la bouteille en verre vide ? Ou alors quand j’ai écrasé ma cigarette au sol ? » La jeune femme le fixait sans broncher, cependant son regard insistant semblait très peu satisfait de cette réponse. Elijah n’avait jamais été doué pour les mensonges, du moins quand il ne profitait pas de son pouvoir. Lentement le jeune homme tira une dernière fois sur sa cigarette et expira un nouveau panache de fumée avant d’écraser cette première au sol avec son pied. Puis, il jeta calmement un regard des deux côtés de la ruelle comme pour vérifier que personne ne pourrait le surprendre cette fois-ci.
Dans un geste que personne n’aurait pu prévoir, il se jeta alors sur la jeune femme telle une furie, perdant tout le sang-froid qu’il avait auparavant tenté de conserver. Il transgressait une nouvelle fois toutes les promesses qu’il avait faites à Nevaeh ; de ne plus jamais utiliser son pouvoir à tous bouts de champs, en particulier pour des raisons personnelles. Mais n’était-ce pas une raison… ultime ? Terriblement menaçant, il plaqua l’inconnue contre le mur d’une vieille maison défraichie et cola son avant bras au niveau de son coup. Ses yeux, noircis par l’impatience et l’agacement, se plantèrent violemment dans ceux de son interlocutrice. « Tu ne m’as jamais vu, il ne sait rien passé, ok ? » Il la relâcha plus doucement, persuadé qu’elle allait flegmatiquement hocher la tête puis qu’elle partirait sans prononcer le moindre mot, comme tous les autres qui étaient passés avant elle.

❖ ❖ ❖

Alors que, sous la stupéfaction de l'instant, elle venait d'aborder l'inconnu d'une façon très peu convenable, elle commençait à regretter de s'être élancée bêtement à ses trousses ainsi. Peut être avait-elle simplement rêvé. Après tout, elle savait très bien qu'elle n'avait jamais très bien tenu l'alcool, comme en témoignait sa migraine insupportable. Pourtant, plus que quelque chose dont elle avait seulement été témoin, elle sentait au fond d'elle comme un pressentiment, un instinct. Quelque chose qui paraissait assez stupide enfin de compte. Quelles étaient ses chances de tomber sur un gars comme elle, dans ce quartier, ce soir-là ? Des quelques heroes qu'elle avait pu croisés, aucun ne possédait un pouvoir identique au sien, et encore plus rares étaient ceux pour lesquels il était le bienvenu. Elle pouvait faire des ravages, seulement au son de sa voix. Elle leva le regard vers le jeune homme qui, la surprise passé, semblait maintenant mal à l'aise. « Je vous demande pardon ? » Il y avait autre chose qu'un étonnement innocent derrière ces mots. Thelma pouvait le sentir. Elle plissa les yeux, soutenant son regard. Au diable ses maigres hésitations, elle voulait à tout prix savoir la vérité. Elle s'était toujours considérée comme un véritable monstre et répugnait encore aujourd'hui à se voir agir ainsi, utilisant ce pouvoir qui, pour elle, était clairement une malédiction. C'était pourtant souvent une fois l'avoir utilisé qu'elle sentait la culpabilité la ronger de l'intérieur. Savoir que quelqu'un d'autre faisait la même chose de son côté, manipulant les autres pour arriver à ses fins les plus égoïstes, la mettait mal à l'aise. Elle se recoiffa d'un geste prompt, consciente qu'elle ne devait pas paraître à son avantage, ébouriffée et essoufflée qu'elle était. « Ce que je viens de faire ? ... Ah ! Tu parles du moment où j’ai glissé sur la bouteille en verre vide ? Ou alors quand j’ai écrasé ma cigarette au sol ? » Thelma fronça les sourcils, sceptique. Il se payait sa tête, n'est-ce pas ? Elle ne le quitta pas des yeux. Ses lèvres étaient trop serrés pour qu'elle puisse sortir ne serait-ce qu'un son de sa bouche. Elle réfléchissait à toute vitesse. Quand bien même elle ne s'était pas trompée et cet homme possédait le même pouvoir qu'elle, que pouvait-elle bien faire ? Elle ne le connaissait pas et n'avait pas la moindre idée de son identité, sachant d'expérience que le pire arrive lorsque l'on accorde sa confiance un peu trop vite. Que ce soit à un proche comme à un inconnu. Enfin, elle ouvrit la bouche, ne sachant elle-même ce qui allait en sortir. Mais avait même qu'elle ne puisse souffler mot, elle se retrouva propulsée contre le mur le plus proche. Elle sentit la paroi de la vielle maison trembler dans un grondement sourd, dans son dos, et se demanda même un instant si le tout n'allait pas s'écrouler sur elle. Sans qu'elle ne puisse réagir, l'inconnu était sur elle, plaquant un bras menaçant contre son cou tendu. Le souffle court, encore abasourdie par le choc, elle leva doucement les yeux vers les siens. L'exaltation frénétique qu'elle y vit lui était bien familière. Elle savait exactement ce qu'il était sur le point de faire. Jamais elle ne s'était imaginée se trouver dans une situation aussi ironique que celle-ci. Le prédateur était devenue la proie, et elle se trouvait maintenant elle-même à la merci de cet inconnu. Elle tenta fébrilement de se dégager de son étreinte, poussant un gémissement rageur, mais il était trop fort pour elle. Elle sentit encore une fois la pierre froide du mur contre son dos. Elle voulut crier, mais aucun son ne s'échappa de sa bouche. Alors son regard fut enfin saisi par celui du jeune homme. « Tu ne m’as jamais vu, il ne sait rien passé, ok ? » Sur ces mots lâchés d'un ton maîtrisé, il la relâcha et recula d'un pas. Thelma ne bougea pas tout de suite, encore abasourdie. Rien. Rien ne s'était passé, rien ne semblait différent. Elle sentit son coeur s'emballer dans sa poitrine. Elle était immunisée à son propre pouvoir. Première nouvelle. Un sourire satisfait s'esquissa sur ses lèvres, tandis qu'elle s'écartait du mur, un peu chancelante. L'inconnu attendait qu'elle réagisse comme n'importe laquelle de ses victimes aurait réagit. Hocher la tête, les yeux perdus dans le vague, et faire demi tour sans se retourner, sans souffler mot. L'idée de prétendre la chose l'effleura un instant mais elle se ravisa vite, sentant monter en elle sa colère et sa fatigue refoulée. Elle avança vers lui, d'un pas audacieux, une moue moqueuse animant son visage. « Non, en réalité, ce n'est pas ok», souffla t-elle. « Ce n'est même pas du tout ok.» Elle s'arrêta juste devant lui, le menton haut, soutenant son regard. « Quelque chose ne va pas ? » demanda t-elle d'un ton faussement innocent, devant l'ébahissement le plus total du garçon. Elle ravala un gloussement, se délectant de sa surprise. « Laisse moi deviner... tu espérais pouvoir trifouiller un peu mon cerveau ? Que je prenne ta parole pour ordre et tourne les talons sans me retourner ? Et bien figures-toi que tu es tombé sur la mauvaise personne, mon vieux. »

D’un regard insistant, Elijah lorgnait la jeune inconnue en attendant qu’elle s’éclipse suite à ses directives, impatient de quitter le quartier. Cependant, sous le regard ébahi du jeune homme, la fille restait statique. Comment se pouvait-il ? Cela faisait plus de trois ans que ses ordres étaient respectés à la lettre, trois ans qu’il contrôlait pleinement son pouvoir. Pourtant elle refusait toujours de se sauver comme il l’aurait désiré. Avant, cela lui arrivait de ne pas apporter la concentration nécessaire afin que son don fonctionne, ce qui l’avait entrainé dans des situations délicates. Les gens riaient à son nez, se demandant pour qui il se prenait pour lâcher des ordres à tout bout de champ. Elijah avait mis plusieurs mois à contrôler son don, parfois même il l’avait utilisé inconsciemment.
Alors qu’elle faisait un pas audacieux vers lui en soutenant son regard, il fronçait les sourcils, médusé. « Non, en réalité, ce n'est pas ok. Ce n'est même pas du tout ok.» Il la regardait sans souffler un mot en se demandant à qui il avait à faire. Ce qui était certain, c’était que la fille n’était pas humaine. Avait-elle la capacité de résister aux dons des heroes ? Il n’avait encore jamais été confronté à ce genre de situation… « Laisse moi deviner... tu espérais pouvoir trifouiller un peu mon cerveau ? Que je prenne ta parole pour ordre et tourne les talons sans me retourner ? Et bien figures-toi que tu es tombé sur la mauvaise personne, mon vieux. » Elijah se recula lentement, ses yeux toujours plantés dans ceux de son interlocutrice. Il l'observa de pied en cap, comme si son physique pourrait mettre de la lumière dans ses incompréhensions. « D'où tu sors, toi? » glissa-t-il maladroitement, comme si il avait pensé pour lui-même. « Et pourquoi tu es toujours là? » Il se révisa légèrement ; car au pire qu'est ce que la fille pouvait contre lui? Elle ne semblait pas avoir l'intention de crier sur tous les doigts qu'Elijah était un heroes, et même si son don n'avait aucun effet sur elle, il trouverait bien un moyen de la faire chanter. Qui plus est, elle semblait plutôt gringalette et à moins qu'elle ai le pouvoir de le faire flamber, elle n'aurait pas la force de se mesurer à lui.

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